La décoration n’est pas juste une affaire de bon goût.

Je suis fatiguée d’être régulièrement cataloguée dans le groupe des écervelées parce que je fais de la décoration. Non, je ne suis pas Madame de Machin Chose à qui ses copines de la banlieue Ouest de Paris demandent des conseils-déco parce qu’elle a beaucoup de goût. Et non, Pinterest n’est pas un passe-temps comme une série B, c’est un de mes outils de travail que j’utilise avec méthode.

Déjà, je ne suis pas décoratrice, je suis architecte d’intérieur, nuance. A la base je fais des plans ; après je les mets en volume, puis en couleur et en matière. Ainsi, je pratique aussi, par effet de bord, la décoration ; car mes clients ne sont pas riches et exigeants au point de démultiplier leurs prestataires dans le domaine.

En outre, la décoration ne devrait pas être un truc de bécasse. Certes, c’est comme tout, il doit y avoir des bécasses qui la pratiquent à grand bruit, des ingrats qui l’ont réduite à cela et le commun des mortels, ignares par nature dans le secteur, qui en ont fait une généralité. Mais au départ, le décor n’était pas une affaire de décérébrées.

La décoration a une fonction.

Avant de devenir un domaine adoré par des fashionistas mais banni par les architectes du XXème siècle qui le qualifiait de futile, la décoration était avant tout fonctionnelle. Les artisans d’art l’avaient investie pour la rendre belle – tant qu’à faire – mais au départ les lustres, les tentures, les miroirs, les paravents… avaient une fonction. Et non des moindres, ils servaient à conserver la chaleur, rafraichir, augmenter l’éclairage bref, ils servaient une cause qui nous est à nouveau chère mais qui a été oubliée de tout un XXème siècle énergivore.

Ainsi, un tapis servait à ne pas avoir froid aux pieds, une tapisserie à isoler thermiquement les murs et à retenir la chaleur. Les cristaux des lustres, comme les miroirs ou les dorures, démultipliaient le faible éclairage solitaire des bougies et des fenêtres. Un paravent servait à « parer le vent », c’est-à-dire à dévier de la peau nue la froideur convective des mouvements d’air…

Avant la découverte de l’électricité et la révolution industrielle, on luttait contre le froid l’hiver, on cherchait la lumière la nuit et pour cela, on multipliait les éléments de décor. Au XXème siècle, on a cru l’énergie illimitée et on a relégué la décoration au rang de ringardise lourde et bourgeoise. Pour Adolphe Loos, architecte viennois précurseur de la modernité et auteur de villas cubiques immaculées, l’ « ornement est (même) un crime ». L’ «hygiène» est passé avant ce qui est devenu ces dernières années l’écologie. Les murs intérieurs se sont vus traités comme des corps à nettoyer à l’Ajax toute la sainte journée. Du blanc. Le moins de meubles possible. Le sol nu… « L’art décoratif moderne n’a pas de décor… L’art décoratif n’a pas de raison d’exister », avait décrété la pythie Le Corbusier dans un de ses pamphlets en 1925.

Eléments de langages : décoration et performance énergétique

On entend la décoration par l’ensemble des moyens de meubler, agencer et habiller l’intérieur d’un local…

On parle de performance énergétique pour définir la façon d’augmenter son confort énergétique – thermique et éclairage – tout en réduisant sa consommation d’énergie.

Ainsi, on peut utiliser la décoration pour augmenter la performance énergétique de son intérieur sans faire des travaux de rénovation lourds. Tout en sobriété.

L’idée est de retourner aux sources de la décoration : réutiliser le décor pour ses fonctions originales, mais le tout mis au goût du jour :

  • Techniquement : affiner les fonctions et les usages des éléments décoratifs grâce aux nouveaux matériaux et aux nouvelles connaissances ;
  • Esthétiquement : utiliser le cadre technique précédemment mis à jour en l’adaptant visuellement à notre époque et à ses codes.

Comment retourner aux sources fonctionnelles énergétiques du décor ?

Je me suis basée sur les travaux de Philippe Rahm, architecte suisse dont l’agence est située à Paris. Je reprends notamment le cadre théorique et technique qu’il a créé et décrit dans son essai Le Style Anthropocène. L’idée le faire vivre en le rendant visuel et facilement lisible. Le manuscrit de Philippe Rahm n’a pas d’esthétique ni d’orchestration dans l’espace. C’est ce que je vais faire, le tout dans l’idée de donner envie sans culpabilisation…avec la volonté de redorer le blason du décor, la nécessité de lui donner un sens.

Le métier de décorateur ne doit plus s’apparenter à celui d’un serial aide-shopper nourri de photos Pinterest vite flétries par le temps saccadé de la mode, il doit devenir celui d’un professionnel qui donne une ligne directrice esthétique et énergétique à son client pour l’agencement de son intérieur, celui qui redonne un pourquoi au décor.

Et qui sait, nouveaux artisans d’art et autres designers reprendront peut-être ensemble le chemin vertueux du renouveau de la décoration, pour la rendre encore plus hype et désirable !

Je vous explique tout cela dans des futurs articles.

En attendant, jetez un œil ici aux rideaux thermiques que je fais faire !

Le décor n’est pas mort, vive le décor !

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