Lyon, ses traboules mystérieuses, ses bouchons conviviaux et… ses canuts, ces anciens ateliers de soie devenus des logements prisés au charme brut. Quand j’ai entrepris la rénovation d’un de ces espaces chargés d’histoire, je savais que l’aventure serait aussi exaltante qu’exigeante.

L’âme du lieu : entre respect et transformation

Rénover un canut, c’est jongler entre préservation du patrimoine et adaptation aux exigences contemporaines. Ces vastes espaces aux plafonds vertigineux, soutenus par des poutres apparentes, appellent à la lumière et à la mise en valeur de leur structure originelle. Le défi ? Améliorer le confort sans trahir l’authenticité.

L’isolation phonique : mission accomplie avec une chape sèche en Fermacell

Dans ces volumes généreux, le son voyage, rebondit et s’invite parfois un peu trop. Pour offrir une acoustique feutrée sans alourdir la structure, j’ai opté pour une chape sèche en Fermacell. Un choix technique et écologique qui a permis d’améliorer considérablement l’isolation phonique tout en respectant les contraintes du bâtiment.

Mais avant cela, j’ai découvert une pratique ancienne propre aux canuts : le marin. Ce mélange hétéroclite de terre, de sable, de cailloux et de tout ce que l’on trouvait sur place servait d’isolant phonique et thermique sous le plancher. Témoignage ingénieux d’une époque où l’on utilisait les ressources locales pour améliorer le confort, ce marin a aujourd’hui laissé place à des solutions modernes, mais reste un élément intéressant du patrimoine lyonnais.

Cependant, on ne peut pas retirer le marin sans l’accord de la copropriété, car son poids important contribue à la stabilité de l’édifice. Une modification non contrôlée pourrait altérer l’équilibre structurel du bâtiment. Avant de commencer les travaux, je me suis interrogée sur la nature du matériau que j’avais sous mon plancher : était-ce du marin ? Avant de pouvoir le retirer pour installer un nouvel isolant, il était impératif de vérifier sa composition. Après analyse, il s’est avéré que ce n’était pas du marin, ce qui m’a permis d’aller de l’avant sans risque pour la structure.

J’ai ainsi pu retirer cet isolant pour mettre en place une chape sèche, une solution particulièrement adaptée aux canuts. La structure de ces bâtiments repose sur des poutres de bois, un matériau vivant qui réagit aux variations de température, d’humidité et aux sollicitations mécaniques. À l’inverse, une chape liquide traditionnelle, une fois séchée, devient un élément rigide qui ne se déforme pas de la même manière que le bois. En contact direct avec la structure en bois, elle peut générer un effet « diapason » nuisible à la stabilité de l’ensemble.

C’est pour cette raison qu’il est conseillé d’opter pour des solutions non rigides. Les chapes sèches Fermacell constituent une excellente alternative, fonctionnant comme un « matelas » souple. Elles se composent d’un sandwich de couches de matériaux mous, incluant des granulats de béton cellulaire de différentes densités, garantissant à la fois une isolation phonique et thermique efficace. La technique de pose de la chape Fermacell nécessite une formation, mais une fois acquise, la méthode est rapide et permet un gain de temps considérable sur le chantier.

Optimisation et mise en valeur des espaces

Les canuts possèdent une générosité spatiale qui peut parfois se transformer en casse-tête d’aménagement. Il a fallu repenser les volumes pour conjuguer fluidité et fonctionnalité : créer des espaces de vie distincts tout en préservant l’ouverture, jouer avec les hauteurs sous plafond, exploiter la lumière naturelle pour magnifier la pierre et le bois…

Malgré sa très belle vue, ce canut n’avait pas immédiatement trouvé preneur car il n’a « que » 3,70m de hauteur sous plafond. Pas si facile de mettre des mezzanines ! Car si en théorie on peut vivre sous 1,80m de hauteur sous plafond, il est compliqué d’avoir réellement deux hauteurs de 1,80m dans 3,70m de haut. En effet, l’épaisseur de la mezzanine, notamment aux endroits porteurs, dépasse souvent 10 cm. De plus, une personne de grande taille ne peut pas circuler longtemps sous une hauteur de 1,80m sans ressentir une gêne.

Ajouter une mezzanine n’est pas anodin. Elle représente un poids supplémentaire sur l’édifice et peut, dans certaines conditions, fragiliser la structure. Pour s’assurer de la faisabilité d’un tel ajout, il est parfois nécessaire de réaliser un calcul de structure et d’obtenir des autorisations administratives. Dans mon cas, il existait déjà des mezzanines dont la structure porteuse reposait sur des poutres ancrées dans les murs porteurs, qui appartiennent à la copropriété. Afin d’éviter les démarches auprès d’un bureau d’étude structure et de la copropriété, j’ai choisi de conserver toute la structure porteuse existante et de ne modifier que leur habillage.

Les solivettes d’origine étaient très hautes (15 cm) et faisaient perdre une place précieuse au-dessus du plancher. Pour améliorer la circulation, j’ai remplacé le dispositif « solivettes + plancher » par une structure légère autoportante : un plancher « boucaud », à la fois plus fin et plus léger. À un endroit, j’ai voulu rajouter une mezzanine en demi-hauteur, une sorte de palier entre les deux niveaux. Sous celle-ci, j’ai aménagé un coin bibliothèque bas pour mon fils, et au-dessus, une bibliothèque pour moi, profitant ainsi de la meilleure vue sur Lyon depuis l’appartement. Cette mezzanine est « démontable » : conçue comme un meuble sur mesure avec un plancher au-dessus, elle fonctionne sur le même principe qu’un lit-mezzanine du commerce. Cette solution a l’avantage de ne nécessiter ni autorisation de copropriété, ni validation structurelle, puisqu’elle ne repose pas sur les murs porteurs.

À noter : lorsqu’on crée une nouvelle surface de plancher Carrez (plus de 1,80m de hauteur sous plafond), une autorisation d’urbanisme est requise, car cela implique une augmentation de l’assiette cadastrale.

Une rénovation guidée par la sobriété énergétique

Le canut avait un DPE D, une note honorable mais perfectible. Les fenêtres, bien que déjà en double vitrage, étaient vieillissantes. Changer six fenêtres en bois de 3m de hauteur représente un budget conséquent. Sur les Pentes de la Croix-Rousse, le site étant classé, pas question d’installer du PVC : les ABF (Architectes des Bâtiments de France) veillent. J’ai préféré attendre, observer notre consommation et renflouer les caisses.

Côté isolation, j’ai opté pour un mix : doubler les murs stratégiques tout en conservant ceux qui apportaient du cachet. Le confort d’été reste un défi : installation de ventilateurs de plafond, remplacement des jalousies… et d’autres améliorations à venir !

Conclusion : un canut réinventé, mais toujours authentique

Aujourd’hui, ce canut rénové raconte une nouvelle histoire, où le passé dialogue harmonieusement avec le présent. C’est un espace où l’âme ouvrière du XIXe siècle côtoie les besoins d’un habitat contemporain, et où chaque détail a été pensé pour révéler l’essence du lieu.

Et vous, avez-vous déjà rêvé de donner une seconde vie à un espace chargé d’histoire ? Venez découvrir le résultat final ici

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